19

 

Depuis sa chambre aux nombreuses fenêtres tout en haut de la Bourse du commerce d’Alaisor, Keltryn observait la mer, surveillant le grand bateau à voiles rouges de Zimroel alors qu’il entrait au port. Dinitak se trouvait à bord de ce bateau. On l’avait envoyée là en toute hâte, dans un rapide flotteur royal, en une poursuite à couper le souffle sur toute la largeur d’Alhanroel, afin qu’elle soit à Alaisor lorsqu’il y arriverait, et on l’avait installée dans cette vaste suite à la magnificence royale qui, à ce qu’on lui avait dit, était habituellement réservée aux Puissances du Royaume ; et à présent, elle se tenait là, et il était là, à bord de ce majestueux vaisseau au large, se rapprochant d’elle à chaque instant qui passait.

Elle était encore stupéfaite d’être simplement là.

Non seulement parce qu’elle était dans la fabuleuse cité d’Alaisor, si éloignée du Mont du Château, avec ces extraordinaires falaises noires derrière elle et le gigantesque monument de lord Stiamot sur l’esplanade juste en dessous de sa chambre. Tôt ou tard, supposait-elle, elle aurait trouvé une raison de voir le monde et ses voyages auraient bien pu l’amener ici, dans cet endroit magnifique.

Mais qu’elle soit venue ici en courant sur l’ordre de Dinitak, après tout ce qui s’était passé entre eux…

Elle ne se souvenait que trop bien avoir déclaré à Fulkari, en apprenant qu’il la laissait en arrière lorsqu’il irait à Zimroel : « Je ne veux plus jamais le voir ! »

Et Fulkari répondant d’un air suffisant : « Mais si. »

Elle avait alors pensé que Fulkari avait tort, tout simplement tort. Elle ne pourrait jamais avaler une telle humiliation. Mais le temps avait passé, les jours, les semaines, les mois, temps pendant lequel elle avait eu le loisir de se plonger dans les souvenirs de ces promenades main dans la main dans les couloirs du Château, de ces dîners aux chandelles, de ces nuits de passion époustouflante. Le temps de réfléchir, également, à la nature unique de Dinitak, à son sens étrangement profond du bien et du mal. Le temps de penser que, peut-être, elle pourrait presque comprendre ses raisons de partir à Zimroel sans elle.

Et alors, par courrier spécial, ces deux messages de l’autre continent…

Dinitak Barjazid, à Keltryn de Sipermit, disant dans son style particulier et cérémonieux : Je reviens par Alaisor, et je vous prie instamment de vous y trouver lorsque j’arriverai, ma chérie, car nous avons à discuter de sujets de la plus grande importance, et nous en discuterons mieux là-bas. « Je vous prie instamment ! » Cela ne ressemblait pas beaucoup à Dinitak, de prier le moins du monde, et instamment qui plus est. « Ma chérie. » Oui.

Le second message, dans la même bourse, était de Fulkari, et ce que disait Fulkari était : Il va te demander de le rejoindre à Alaisor. Va le retrouver là-bas, petite sœur. Il t’aime. Il t’aime plus que tu ne pourrais le croire possible.

Elle ne put réprimer la flambée de colère instantanée qui fut sa première réaction. Comment osait-il ? Comment osait-elle ? Pourquoi retomber dans le même vieux piège ? Faire tout le trajet jusqu’à Alaisor, pas moins, sur son ordre, pour son confort à lui ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Il t’aime.

Il t’aime plus que tu ne pourrais le croire possible.

Et Dinitak :

Je vous prie instamment.

Ma chérie. Ma chérie. Ma chérie.

On frappa à la porte.

— Madame ?

C’était Ekkamoor, le chambellan du Château, qui s’était occupé d’elle lors de ce voyage fou jusqu’à la pointe du continent.

— Le bateau est sur le point d’arriver à quai, madame. Souhaitez-vous être sur la jetée lorsqu’il le fera ?

— Oui, répondit-elle. Oui, bien sûr !

Il arborait l’étendard vert et doré du Coronal, et l’emblème de la constellation du Coronal se trouvait sur la proue. Mais il y avait également un pavillon jaune de deuil flottant à son mât, et Keltryn, observant depuis la salle d’attente tandis que la passerelle était mise en place, fronça les sourcils en voyant une garde d’honneur aux visages solennels quitter les premiers le navire, portant un cercueil, qui d’après son apparence devait être un cercueil de la fabrication la plus coûteuse. Marchant derrière se tenait un homme aux larges épaules, à la carrure puissante qu’elle reconnut, après un instant, comme étant le Grand Amiral Gialaurys, le vieil ami et compagnon d’armes de Septach Melayn, mais un Gialaurys qui paraissait avoir vieilli de cent ans depuis la dernière fois qu’elle l’avait vu au Château, à l’époque du couronnement de lord Dekkeret. Sa tête était baissée, son visage sombre et sinistre. Alors que la procession portant le cercueil passait devant elle, il n’eut pas l’air de la remarquer le moins du monde. Mais pourquoi l’aurait-il dû ? Si tant est qu’il la connût, ce n’était qu’en tant que l’une des innombrables jeunes dames de la cour. Et il était manifestement si accablé par son chagrin qu’il ne pouvait prêter aucune attention à ceux devant lesquels il passait en débarquant.

Mais qui est mort ? se demanda-t-elle, en se retournant sur la morne procession alors que celle-ci disparaissait à la vue.

— Keltryn ! Keltryn ! s’écria ensuite une voix familière.

— Dinitak !

Il avait changé d’une certaine façon. Pas au-dehors : il était le même homme mince, ramassé, avec le même visage assombri par le soleil, et le même air de force tendue, prête à jaillir. Mais quelque chose était différent. Il y avait – quoi ? – une sorte de grandeur en lui, à présent, une attitude presque royale d’accomplissement et de résolution. Keltryn s’en aperçut immédiatement. Elle courut vers lui, il lui ouvrit les bras, la serra fort contre lui, et le toucher ranima des souvenirs doux et chauds, mais même à ce moment-là, elle avait aussi cette impression inexplicable que des changements s’étaient faits en lui.

Évidemment. Il était allé à Zimroel avec le Coronal. Il avait pris part à une sorte de terrible lutte contre les ennemis du trône.

— Eh bien, me voilà, Dinitak ! dit-elle au bout d’un moment, en reculant.

— Te voilà, oui. Comme c’est merveilleux.

— Et Zimroel, tu me raconteras ?

— En temps voulu. C’est une très longue histoire. Et il y a bien davantage à dire également.

Un curieux sourire traversa ses sombres traits comme une flamme dansante.

— Je vais devenir une Puissance du Royaume, Keltryn. Et si tu m’acceptes, tu seras, comme ta sœur, l’épouse d’une Puissance.

Ces paroles n’avaient aucun sens pour elle. Elle resta là, à se les répéter mentalement, encore et encore, mais il n’y avait pas moyen qu’elle leur trouve une signification.

— C’est entendu, pour Dekkeret, Prestimion et la Dame, dit-il. Je vais porter le casque, pénétrer dans les esprits comme le fait la Dame, et chercher ceux qui voudraient faire du mal aux autres. Et avec le casque je les avertirai des conséquences de leurs actes, et les punirai s’ils s’y livrent en dépit de cet avertissement. Le Roi des Rêves sera mon titre ; et il se transmettra à mes enfants, et aux enfants de mes enfants à tout jamais, qui seront entraînés à utiliser le casque. Ainsi il n’y aura plus de Mandralisca dans ce monde. Tu vois, comme cela, je vais être une Puissance. Mais seras-tu la femme d’une Puissance, Keltryn ?

— Tu me demandes de t’épouser ? fit-elle, sidérée.

— Si le Roi des Rêves doit avoir des enfants qui hériteront de ses fonctions, il faut qu’il ait une reine, n’est-ce pas ? Nous vivrons à Suvrael. C’est la décision de Prestimion, pas la mienne, que cette nouvelle Puissance devra établir sa résidence loin des trois autres ; mais ce n’est pas le pire endroit du monde, Suvrael, et je pense que tu t’y habitueras beaucoup plus vite que tu ne le crois. Si tu le veux, nous pouvons retourner au Château pour nous marier, ou nous rendre au Labyrinthe pour que Prestimion célèbre la cérémonie, mais Dekkeret et moi sommes d’accord qu’il vaut mieux que j’aille à Suvrael aussi vite que possible, afin que je puisse…

Elle écoutait à peine et ne comprenait quasiment rien. Une Puissance du Royaume ? Roi des Rêves ?

Suvrael ? Tout ceci tournoyait follement dans son esprit.

— Keltryn ? fit Dinitak.

— Trop… Si étrange…

— Réponds à cette question, au moins : veux-tu m’épouser, Keltryn ?

Elle pouvait se concentrer sur ce point. Elle aurait tout le temps, ensuite, de comprendre le reste, Roi des Rêves et Suvrael, et tout ça, et ce qui s’était passé tandis que lui, Dekkeret et les autres étaient à Zimroel, et de qui Gialaurys avait escorté le corps hors du bateau.

— Oui, dit-elle comprenant ce sujet. Il t’aime. Il t’aime plus que tu ne pourrais le croire possible. Oui, Dinitak, oui, oui, oui, oui !

 

— Gialaurys est allé d’Alaisor à Sisivondal avec le corps, et se met en route pour le Mont, dit Prestimion, les yeux fixés sur la dépêche qui venait de lui être remise. Nous devrons donc également nous mettre nous-mêmes en route pour le Château dans un jour ou deux, Varaile.

Elle sourit.

— Je savais que tu trouverais une excuse pour t’éloigner du Labyrinthe avant longtemps, Prestimion. Je ne pense pas que nous ayons jamais passé autant de mois consécutifs en aucun endroit, comme cela a été le cas depuis que nous sommes revenus de Stoien.

— En réalité, je me suis tout à fait habitué à la vie au Labyrinthe, mon amour. Confalume avait dit que ce serait le cas, tôt ou tard ; et il avait raison sur ce point, comme sur tant d’autres. C’est lorsque l’on est Coronal que l’on est un vagabond. À ce moment-là, on a le sang chaud. Le Pontife préfère une vie plus tranquille, et le Labyrinthe a la particularité de se faire apprécier petit à petit, ne crois-tu pas ?

Il fit un grand geste autour de lui d’une main puis de l’autre, montrant toutes les possessions familières de leur ménage au Château, tout ce qui était désormais confortablement installé dans les appartements du Labyrinthe qui étaient autrefois ceux de Confalume et étaient désormais les leurs, et avaient l’air d’être en place depuis des décennies plutôt que des mois.

— En tout cas, cela n’a pas été ma décision d’enterrer Septach Melayn au Château. C’était celle de Dekkeret. Devant laquelle je m’incline volontiers.

— C’était ton ami, Prestimion. Et le porte-parole du Pontife, également. N’aurait-il pas été plus approprié qu’il repose, ici au Labyrinthe ?

Prestimion secoua la tête.

— Septach Melayn n’a jamais été un homme du Labyrinthe, non. Il n’est venu ici que par loyauté envers moi. Le Mont du Château était son foyer, et c’est là qu’il reposera. Je ne vais pas m’opposer à Dekkeret sur ce sujet. Il est mort en sauvant la vie de Dekkeret ; ce seul fait donne à Dekkeret le droit de choisir où il sera enterré.

Il prit conscience qu’il parlait très calmement de ces détails concernant l’enterrement de Septach Melayn, comme s’il s’agissait de quelque point ordinaire d’une affaire du royaume, et pendant un instant, Prestimion pensa réellement que la douleur de la perte de son ami pourrait avoir commencé à guérir. Mais ensuite elle revint de plein fouet, il grimaça et se détourna. Ses yeux lui piquaient. Que Septach Melayn, de tous les hommes, ait dû être perdu lors de la lutte contre Mandralisca… qu’il ait dû renoncer à la vie pour débarrasser le monde de ce… ce…

— Prestimion…, dit Varaile, tendant la main vers lui.

Il lutta pour reprendre le contrôle de lui-même et y parvint.

— Nous n’avons pas besoin de discuter de cela, Varaile. Nous ne le devrions pas. Dekkeret a décrété des funérailles au Château et un enterrement au Château, Gialaurys l’emmène là-haut et le monument est déjà en cours de conception, j’officierai à la cérémonie, et donc toi et moi devrions commencer à faire nos bagages pour le voyage sur le Glayge. Qu’il en soit ainsi.

— Je me demande quel genre d’enterrement Dekkeret a décrété pour Mandralisca.

— Je le lui demanderai, si j’y pense, lorsqu’il reviendra de son Grand Périple. J’aurais donné son corps à une bande de jakkaboles affamés, pour ma part. Dekkeret est un homme plus bienveillant que moi, mais j’aime à penser qu’il en aura fait autant.

— Ce Dekkeret est un homme royal.

— Oui. Oui, c’est ce qu’il est, dit Prestimion. Un roi entre tous. J’ai laissé le monde en de bonnes mains, je crois. Il m’a dit qu’il écraserait Mandralisca sans partir en guerre, et c’est ce qu’il a fait, et il a fait rentrer ces cinq horribles frères dans la boîte dont ils avaient jailli, et tout Zimroel chante les louanges de lord Dekkeret, désormais, apparemment.

Prestimion rit. La pensée des actes de Dekkeret à Zimroel avait égayé son humeur.

— Sais-tu, Varaile, ce pour quoi je serai célèbre, dans les temps à venir ? La grande chose dont on se souviendra à mon sujet ? Ce sera que j’ai découvert le garçon qui allait devenir lord Dekkeret, un jour alors que j’étais à Normork, et que j’ai eu le bon sens de le prendre avec moi et d’en faire mon Coronal. Oui. Ce que l’on dira de moi sera que j’étais le roi qui a donné au monde lord Dekkeret… Et maintenant, préparons-nous pour ce voyage au Château, mon amour, et pour l’affaire assez triste que nous devons y régler, avant de rentrer dans l’époque heureuse de nos règnes.

 

Ils avaient remonté le Zimr pendant des semaines et des semaines, cité après cité, Flegit, Clarischanz, Belka, Larnimisculus et Verf, et Dekkeret et Fulkari étaient à présent à Ni-moya, enfin, installés dans le magnifique palais qui avait autrefois appartenu à Dantirya Sambail, complètement ébahis, parcourant au hasard sa multitude de pièces, se récriant d’admiration sur la splendeur de son architecture.

— En réalité, il vivait bel et bien comme un roi, murmura Fulkari.

Ils avaient atteint l’aile la plus occidentale du bâtiment, où une colossale fenêtre d’un seul panneau offrait une vue circulaire allant du bord de l’eau, à gauche, aux tours blanches des collines de Ni-moya, à droite, et l’immense giron du gigantesque fleuve se déroulant devant eux jusque loin dans les régions reculées du continent.

— Que vas-tu faire de cet endroit, maintenant, Dekkeret ? Tu ne vas pas le faire démolir, non ?

— Non. Jamais. Je ne peux tenir le bâtiment pour responsable des crimes de Dantirya Sambail et de ses cinq pitoyables neveux. Ces crimes seront oubliés, tôt ou tard. Mais quel crime contre la beauté ce serait de détruire le palais du Procurateur.

— Oui. Tout à fait.

— Je désignerai un duc pour régner sur Ni-moya, je ne sais pas qui ce sera, mais il s’agira de quelqu’un n’ayant pas la moindre goutte de sang Sambailid en lui, et lui et ses héritiers pourront vivre ici, sachant qu’ils le peuvent grâce à la générosité du Coronal.

— Un duc. Pas un Procurateur.

— Il n’y aura plus de Procurateur ici, Fulkari. C’était le décret de Prestimion, que je renouvellerai. Nous réformerons le gouvernement de Zimroel pour le décentraliser à nouveau : une seule autorité ici est trop dangereuse, trop menaçante pour le gouvernement impérial lui-même. Des ducs de province, la loyauté à la couronne, des Grands Périples fréquents pour souligner l’allégeance de Zimroel à la constitution : c’est ainsi que ce sera, oui.

— Et les Cinq Lords ? demanda-t-elle.

— Ne sont plus Lords, tu peux en être sûre. Mais ce serait un péché de mettre de tels idiots à mort. Lorsqu’ils auront suffisamment fait pénitence pour leur petit soulèvement, ils pourront retourner dans leurs palais dans le désert, et ils y resteront définitivement. Je doute qu’ils causent d’autres troubles. Et si la pensée leur en vient quand même, le Roi des Rêves s’occupera d’eux.

— Le Roi des Rêves, dit Fulkari en souriant. Notre frère Dinitak. C’était un plan brillant. Bien que tu m’aies fait perdre ma sœur en l’expédiant à Suvrael.

— Et moi j’ai perdu un ami, dit Dekkeret. On ne pouvait rien y faire. Prestimion a insisté : le Roi des Rêves doit établir son quartier général là-bas. Nous ne pouvons pas avoir trois des quatre Puissances regroupées à Alhanroel. Il fera bien son travail, à mon avis. Il est né pour cela… As-tu jamais imaginé, Fulkari, que ton farouche garçon manqué de sœur épouserait une Puissance du Royaume ?

— Ai-je jamais imaginé que je le ferais ? demanda-t-elle, et ils rirent et se rapprochèrent l’un de l’autre près de la grande fenêtre.

Dekkeret regarda au-dehors. La nuit commençait à présent à tomber. Quelque part, là-bas à l’Ouest, se trouvait un autre monde de merveilles qu’ils allaient aussi visiter : Khyntor et ses grands geysers de vapeur, la cristalline Dulorn où le Cirque Perpétuel offrait son carnaval de prodiges nuit et jour, jour et nuit, et l’ancienne Pidruid en pavés au-delà sur la côte, et Narabal, Til-omon, Tjangalagala, Cibairil, Brunir, Banduk Marika et toutes ces fabuleuse cités de l’Ouest lointain.

Ils les visiteraient toutes. Il était déterminé à aller partout. À se tenir devant le peuple et à lui dire : Me voici, Dekkeret, votre Coronal lord, qui consacrera sa vie à votre service.

— Quel superbe coucher de soleil, dit doucement Fulkari. Tant de couleurs : or, pourpre, rouge, vert, tourbillonnant toutes ensemble.

— Oui. Vraiment superbe.

— Mais ce n’est en fait que le milieu de la journée à Khyntor, non ? Et le matin à Dulorn. Le milieu de la nuit dernière, à Pidruid. Oh, Dekkeret, le monde est si vaste ! Le Château semble si loin, en ce moment !

— Le Château est loin, mon ange.

— Combien de temps resterons-nous partis pour ce Grand Périple, crois-tu ?

Dekkeret haussa les épaules.

— Je l’ignore. Cinq ans ? Dix ? L’éternité ?

— Sérieusement, Dekkeret.

— Je te le dis, Fulkari : je l’ignore. Aussi longtemps qu’il le faudra. Le Château se passera de nous, si c’est nécessaire. Je suis le Coronal lord partout où je me trouve être sur Majipoor. Et nous avons une planète entière à visiter.

Le ciel changeait et alors qu’ils regardaient, les couleurs se firent plus foncées, le rouge cédant la place au bronze, le pourpre se nuançant de bordeaux. Bientôt il ferait nuit ici, et ce serait l’aube à l’ouest. Les étoiles commencèrent à apparaître. L’une des lunes mineures se leva et jeta un faisceau de lumière argentée sur les eaux du fleuve. Le bras de Dekkeret se resserra autour des épaules de Fulkari, et ils restèrent silencieux un moment.

— Regarde, dit-il ensuite, lorsque enfin toutes les couleurs se furent fondues dans le noir. Voici Majipoor devant nous, et la nuit est aussi belle que le jour.

 

 

 

FIN DU TOME VII