— Viendrai-je avec toi ? demanda Varaile. Je pourrais, tu sais.
— Es-tu si impatiente de revoir le Labyrinthe ?
— Pas plus que toi, Prestimion. Mais il y a une éternité que nous n’avons pas voyagé ensemble. Tu n’essaierais pas de m’éviter, non ?
Il la regarda avec une surprise non feinte.
— T’éviter ? Tu plaisantes. Mais je tiens à ce que ce soit une visite courte et sans complication, vite parti vite revenu. Il n’est apparemment pas aussi malade que nous le pensions, après tout. Je resterai un jour ou deux auprès de lui, pour discuter ensemble de tel ou tel sujet important, lui présenter mes vœux de longue vie et de bonne santé, puis je reviendrai. Si je pars avec toi, Dekkeret, Septach Melayn, Dembitave, ou qui que ce soit d’autre que la suite minimale du Coronal en déplacement, ce voyage deviendra soudain beaucoup plus compliqué, avec tout le formalisme nécessité par l’événement. Je ne veux pas lui imposer un tel effort. Et je veux encore moins arriver avec un nombre de courtisans tel que Confalume se mette en tête qu’il s’agit d’une sorte de visite d’adieu officiel à un mourant.
— Je ne me rappelle pas avoir suggéré que tu emmènes la cour entière, répliqua Varaile. J’ai simplement proposé de t’accompagner.
Prestimion prit ses mains dans les siennes et rapprocha son visage tout près du sien. Ils faisaient presque exactement la même taille. En souriant, il appuya le bout de son nez contre le sien.
— Tu sais que je t’aime, dit-il doucement. Je pense que je devrais faire ce voyage seul. Si tu veux venir avec moi, je ne t’en empêcherai pas. Mais je préférerais y aller seul et revenir le plus vite possible. Ce n’est pas comme si toi et moi n’allions pas avoir beaucoup de temps à passer ensemble dans le Labyrinthe au cours des années à venir.
— Donc, tu vas bien revenir ?
— Cette fois-ci, oui. La prochaine fois que j’y descendrai, ce sera pour un plus long séjour, j’en ai bien peur.
Il avait eu la même conversation, à peu de chose près, avec Dekkeret, un peu plus tôt, et une autre pas très différente avec Septach Melayn. Ils le traitaient tous comme si c’était lui, et non Confalume, le malade. Ils considéraient la possibilité de la mort du Pontife comme une énorme crise pour lui, et voulaient être auprès de lui, pour le protéger et le réconforter.
Ils n’avaient pas totalement tort, bien entendu. C’était bien à un gros problème qu’il allait être confronté… pas cette visite au Labyrinthe, mais l’inévitable transition qui l’attendait d’ici peu de temps. Croyaient-ils, cependant, qu’il était probable qu’il s’effondre et éclate en sanglots, à l’instant où il mettrait le pied dans la capitale souterraine ? Pensaient-ils qu’il se trouvait dans une telle incapacité à supporter la perspective de devenir Pontife qu’il ait besoin d’avoir en permanence ses proches les plus chers autour de lui ? Comment pouvait-il leur expliquer que les Coronals vivaient chaque journée de leur vie, nuit et jour, en sachant qu’ils pouvaient devenir Pontife à tout moment ? Cette possibilité était inhérente à la fonction ; toute personne incapable de la gérer était de ce fait non qualifiée pour être Coronal.
En fin de compte, le seul membre de sa maisonnée qui l’accompagna fut le prince Taradath. Le garçon avait été déçu par la fin brutale du voyage longtemps promis à Fa, et n’avait par ailleurs jamais vu le Labyrinthe. Rencontrer Sa Majesté le Pontife serait un souvenir mémorable pour lui.
Et il serait utile pour Taradath d’avoir un aperçu, aussi bref soit-il, de la machine administrative du Pontificat. À quinze ans, Taradath paraissait pouvoir devenir un jeune homme de valeur, pour lequel un rôle intéressant serait sans doute trouvé dans le gouvernement, une fois que Dekkeret serait Coronal. Les fils de Coronals, conscients qu’ils ne pourraient jamais être eux-mêmes Coronals, devenaient souvent des oisifs frivoles, ou, ce qui était bien pire, des nigauds vaniteux et sans cervelle, comme Korsibar. Prestimion espérait mieux pour ses fils.
Ils prirent la route habituelle pour le Labyrinthe, par le fleuve Glayge sur la barge royale, traversant les basses terres agricoles fertiles. En d’autres circonstances, Prestimion aurait pu en faire un petit périple, s’arrêtant dans les villes fluviales importantes comme Mitrions, Palaghat ou Grevvin, mais il avait promis à Varaile que ce serait un voyage rapide. Il pénétra dans le Labyrinthe par l’Entrée des Eaux, la porte utilisée par les Coronals, et descendit rapidement les nombreux niveaux de la cité souterraine, dépassant le dédale de garennes constituant les bureaux des bureaucrates et les impressionnantes merveilles architecturales en dessous : la Salle des Vents, la Cour des Colonnes, la Place des Masques, et les autres, ces endroits étrangement beaux qui semblaient extraordinaires aux gens qui aimaient le Labyrinthe, ce que Prestimion doutait pouvoir faire un jour, et parvinrent enfin au niveau le plus profond, le secteur impérial, où le Pontife avait sa tanière.
Le protocole exigeait que ce soit le porte-parole du Pontife, le fonctionnaire de plus haut rang, qui l’accueille. Cette fonction avait été occupée ces cinq dernières années par le vénérable duc Haskelorn de Chorg, membre d’une famille faisant remonter son ascendance au Pontife Stalvok, dix règnes plus tôt. Haskelorn était presque aussi âgé que Confalume lui-même, dodu et le visage rose, avec de longues bajoues et un épais double menton. Comme c’était la coutume en ce lieu, il portait un petit masque sur les yeux et le haut de son nez, qui était une sorte d’insigne de fonction parmi les fonctionnaires du Pontificat.
— Confalume…, commença immédiatement Prestimion.
— … est en bonne santé et souhaite vous voir à l’instant, lord Prestimion…
Bonne santé ? Quelle idée se faisait le porte-parole d’une bonne santé ? Prestimion ne savait à quoi s’attendre. Mais il fut déconcerté, en entrant dans le vestibule du dédale de pièces, labyrinthe dans le Labyrinthe, qu’était la résidence du Pontife de Majipoor. Un Confalume souriant, vêtu de la robe écarlate et noir du Pontife, était debout – debout ! – dans l’embrasure voûtée de la porte au bout du vestibule, tendant les bras vers Prestimion en une chaleureuse manifestation de bienvenue.
Prestimion fut si profondément décontenancé qu’il en perdit momentanément l’usage de la parole, et quand il retrouva sa langue, il ne put que bégayer :
— Ils m’ont dit… que vous… vous étiez…
— Mourant, Prestimion ? Déjà engagé sur le chemin de la Source, hein ? Quoi que vous ayez pu entendre, mon fils, voici la vérité : j’ai quitté mon lit de douleur. Comme vous le voyez, le Pontife se tient sur ses deux jambes. Le Pontife marche. Avec un peu de raideur, soit, mais il marche. Il parle également, pas encore mort, Prestimion, pas même près de l’être… Vous ne dites rien. Muet de joie, c’est cela ? Oui j’imagine. Vous avez un sursis pour un petit moment de plus avant le Labyrinthe.
— Ils disaient que vous aviez eu une attaque.
— Disons plutôt un léger évanouissement.
Le Pontife leva la main gauche et serra le poing. L’index et l’auriculaire ne voulurent pas se fermer ; il dut les plier de l’autre main.
— Un problème mineur ici, vous voyez ? Mais vraiment mineur. Et la jambe gauche…
Confalume fit quelques pas vers lui.
— Traîne un peu, vous l’aurez remarqué. Mon temps comme danseur est terminé. Bah, on n’attend pas de moi, à mon âge, que je me déplace rapidement… Vous appelleriez cela une attaque, j’imagine, mais pas très grave. C’est votre fils, Prestimion ? Il a tant grandi depuis la dernière fois que je l’ai vu, que j’ai failli ne pas le reconnaître. Quand était-ce, mon garçon, il y a cinq ou sept ans, lorsque j’étais au Château ? fit-il ensuite, remarquant Taradath derrière lui.
— Il y a huit ans, Votre Majesté, répondit Taradath luttant visiblement contre une crainte révérencielle. J’avais alors sept ans.
— Et maintenant tu es aussi grand que ton père, ce qui n’est pas difficile. Et tu as le teint brun de ta mère, aussi. Eh bien, approchez, approchez tous les deux ! Ne restez pas plantés là !
Il y avait un chevrotement dans la voix de Confalume, nota Prestimion, et il semblait aussi avoir acquis la verbosité d’un vieillard. Mais il avait l’air d’être dans une forme phénoménale. Confalume avait toujours été un homme d’une vigueur et d’une résistance supérieures à la moyenne, bien sûr. Même à présent, sa silhouette trapue paraissait encore musculeuse, et sa crinière indisciplinée, même si elle était blanche depuis longtemps, était toujours aussi épaisse. Seul le grain relâché et parcheminé de ses joues trahissait de façon significative le grand âge du Pontife. Et il semblait réellement s’être débarrassé de la plupart des symptômes de l’attaque qui avait causé un tel émoi dans les deux capitales du royaume.
Il conduisit Prestimion et Taradath à l’intérieur. Peu de visiteurs s’aventuraient jamais dans les appartements pontificaux privés. La célèbre collection d’objets précieux de Confalume ornait chaque rebord, niche et étagère : figurines de verre filé, sculptures d’ivoire de dragon incrustées de porphyre et d’onyx, boîtes à bijoux, une forêt entière d’étranges arbres faits de fils d’argent tressés, pièces anciennes et collections d’insectes, volumes reliés en cuir de coutumes antiques, et beaucoup d’autres encore, les trésors accumulés pendant une longue vie d’acquisitions l’entouraient de toutes parts. Le Pontife n’avait pas non plus perdu sa fascination pour les arts occultes : ses chers instruments de magie étaient là aussi, ses ammatepalas, veralistias et sphères armillaires, ses rohillas, ses protospathifars, ses poudres, potions et onguents. Peut-être, songea Prestimion, le vieillard avait-il réussi grâce à la magie à se relever de son lit de mort : sans aucun doute si la foi dans les sciences occultes suffisait à le réaliser, Confalume vivrait éternellement.
Le Pontife se versa du vin, ainsi qu’à Prestimion et même à Taradath, fit visiter au garçon quelques-unes des salles remplies d’objets fantastiques et les entraîna dans une conversation superficielle et agréable sur leur descente du Glayge, les actuels projets de construction au Château, les activités de lady Varaile, et ainsi de suite. Tout cela était charmant et totalement différent du déroulement auquel Prestimion s’était attendu pour cette visite.
Taradath n’était plus intimidé. Il semblait à présent considérer le Pontife comme un gentil vieux grand-père.
— Ces hommes étaient-ils tous Pontifes ? demanda-t-il, en montrant la longue rangée de médaillons peints sur le haut du mur.
— En effet, répondit Confalume. Voici Prankipin, vous vous en souvenez, bien entendu, n’est-ce pas, Prestimion ?… Gobryas, qui est venu juste avant lui… Avinas… Kelimiphon… Amyntir…, continua-t-il, donnant sans difficulté un nom à chaque portrait. Dizimaule… Kanaba… Sirruth… Vildivar…
Écoutant Confalume énumérer la liste de ses prédécesseurs sur des milliers d’années, Prestimion se sentit humble devant l’immensité de l’histoire, cette grande arche montant en flèche et disparaissant dans le brouillard des mythes, dans laquelle on trouverait, dans une fin désormais ancrée dans le présent, pas moins que sa propre personne.
La plupart de ces hommes n’étaient guère plus que des noms pour Prestimion. Les hauts faits des Pontifes Kanaba, Sirruth et Vildivar n’étaient plus connus que des seuls historiens. Quant aux plus récents, Gobryas, Avinas, Kelimiphon, oui, il connaissait deux ou trois faits à leur sujet, bien que d’après toutes les sources ils aient été de médiocres souverains. Le monde avait connu des moments difficiles sous le règne mal inspiré d’hommes tels que Gobryas et Avinas. Mais Prestimion, levant les yeux vers la longue succession de visages, prit soudain conscience de faire partie d’une dynastie moderne extraordinaire. Prankipin, là-haut, Coronal pendant une vingtaine d’années et Pontife pendant quarante-trois, avait hérité de son prédécesseur, Gobryas, un monde faible et agité, et par de sages mesures et un gouvernement dynamique l’avait ramené à son ancienne grandeur. Si, vers la fin, il avait succombé à la folie de la sorcellerie et laissé le monde fourmiller de sorciers, eh bien, c’était un défaut pardonnable pour un homme qui avait tant accompli. Puis venait Confalume, pas encore représenté sur le mur, mais un homme bien vivant, Pontife ces vingt dernières années, et Coronal quarante-trois autres auparavant, qui avait construit sur les glorieuses fondations de Prankipin et veillé à ce que la prospérité se généralise encore davantage pour les quinze milliards d’habitants de Majipoor. Lui aussi devrait se faire pardonner sa passion pour la magie, ce ne serait pas difficile, pensa Prestimion.
Et c’était à présent au tour de Prestimion de Muldemar, actuellement lord Prestimion, un jour Pontife. Serait-il jugé digne successeur du grand Prankipin et du magnifique Confalume ? Peut-être. Majipoor florissait sous sa conduite. Il avait commis des erreurs, oui, mais Prankipin aussi, et Confalume également. Sa plus grande réussite avait été d’éviter au monde d’être mal gouverné par Korsibar ; mais personne n’en saurait jamais rien. Avait-il accompli autre chose de louable ? Assurément, il espérait que oui ; mais lui moins que tout autre ne pouvait le savoir. Il était encore jeune, cependant. Il pourrait finalement, tel était son souhait le plus vif, figurer aux côtés de ces deux architectes d’un âge d’or.
— Et voilà Stiamot ? demanda Taradath.
— Il est plus loin dans la rangée, mon garçon. Naturellement, l’artiste a dû deviner à quoi il ressemblait, mais il est là. Ici… que je te montre…
Étonnamment alerte, boitant juste un peu de la jambe gauche, celle atteinte, Confalume se dirigea en traînant les pieds vers l’autre bout de la pièce. Prestimion le regarda passer de portrait en portrait avec Taradath, rappelant le nom des premiers empereurs.
Le garçon resta là-bas, observant solennellement les visages des Pontifes qui avaient gouverné le monde un millier d’années avant la naissance de Stiamot lui-même. Confalume, revenant à l’endroit où Prestimion était encore assis, remplit de nouveau leurs verres et dit à voix basse, sur un ton confidentiel ;
— La véritable raison pour laquelle vous vous êtes précipité ici est que vous pensiez que j’étais mourant, n’est-ce pas ? Vous vouliez constater de vos propres yeux mon état de santé.
— J’ignore ce que je pensais. Mais les nouvelles venant du Labyrinthe à votre sujet étaient vraiment inquiétantes. Il semblait approprié de vous rendre visite. Un homme de votre âge, subissant une attaque…
— En réalité, j’ai bien cru que j’allais mourir, lorsque c’est arrivé. Mais seulement sur le moment. Je suis loin d’être fini, Prestimion.
— Pourvu que ce soit vrai.
— Dites-vous cela dans mon intérêt ou dans le vôtre ? demanda le Pontife.
— Vous rendez-vous compte à quel point c’est injuste ?
— Mais c’est réaliste, n’est-ce pas ? Vous n’avez aucune envie d’être déjà Pontife, rit Confalume.
Prestimion lança un regard prudent vers Taradath, qui se trouvait quasiment au bout de la salle, à présent, probablement hors de portée de voix.
— Tout Majipoor vous souhaite une bonne santé et une longue vie, Votre Majesté. Je ne suis pas une exception. Mais je vous assure que si le Divin choisissait de vous emporter demain, je suis à tous égards prêt à faire ce que l’on attendra de moi, répondit-il avec un rien d’irritation.
— L’êtes-vous ? Eh bien, oui, vous dites l’être, et j’imagine que je dois le prendre pour argent comptant.
Le Pontife ferma les yeux. Il sembla considérer quelque lointain recoin du temps. Prestimion étudia le léger pouls perceptible dans les veines des paupières du vieillard, et attendit un moment, puis un autre. S’était-il endormi ? Mais, brusquement, Confalume le regarda à nouveau, son vif regard gris toujours aussi pénétrant.
— Je me rappelle avoir été assis ici même avec vous, il y a longtemps, lors de votre première visite après être devenu Coronal, et vous avoir déclaré qu’au bout d’une quarantaine d’années de travail, vous seriez tout à fait disposé à vous installer au Labyrinthe. Vous en souvenez-vous ?
— Oui.
— Vous êtes à la moitié de ces quarante ans, maintenant. Vous devez donc être au moins à moitié sincère lorsque vous déclarez être prêt à me remplacer. Mais n’ayez crainte, Prestimion. Il reste encore vingt ans à attendre.
Confalume désigna le dessus de table qui supportait sa collection d’instruments astrologiques.
— Il se trouve que j’ai établi mon horoscope pas plus tard que la semaine dernière. À moins d’une sérieuse erreur dans mes calculs, je vais vivre jusqu’à cent dix ans. J’aurai le règne le plus long de toute l’histoire des Pontifes de Majipoor. Qu’en dites-vous, Prestimion ? Vous êtes soulagé, n’est-ce pas ? Avouez-le ! Vous l’êtes ! Du moins, vous l’êtes en ce moment… Car je vous le dis, mon jeune ami, d’ici à ce que je fasse le voyage jusqu’à la Source, vous en aurez plus qu’assez d’être Coronal. Vous ne regretterez pas de quitter le Château. Le moment viendra où vous serez impatient de devenir Pontife, croyez-moi. Vous serez plus que prêt à vous retirer au Labyrinthe, croyez-moi, plus que prêt !
Sur le chemin du retour, sur le Glayge, Prestimion réfléchit aux paroles de Confalume. Il devait admettre qu’il s’était trompé lui-même, faute d’avoir trompé les autres, en prétendant être totalement prêt à accepter le Pontificat. Son soulagement en trouvant, de façon inespérée, Confalume dans une si grande forme en était la preuve irréfutable. C’était un répit, un répit incontestable ; ce qui signifiait qu’il considérait toujours le fait de devenir Pontife comme une condamnation inflexible et inexorable, plutôt qu’en terme de devoir. Toutefois, il doutait fort de la valeur des calculs astrologiques de Confalume, de toute évidence, le prochain changement de souverain aurait lieu d’ici quelques années.
Il ne pouvait nier que son humeur était nettement plus légère, à présent. Ce qui lui apprenait tout ce qu’il avait besoin de savoir quant à ses protestations appuyées de sa disposition à la vie au Labyrinthe.
Avant de partir pour le Château, il emmena Taradath dans une brève visite de la cité. Le garçon avait déjà vu nombre de merveilles dans sa courte vie, mais l’étrangeté du Labyrinthe ne ressemblait à rien d’autre au monde, ces vastes salles remplies d’échos, à l’architecture bizarre, qui se trouvaient si loin de la surface.
— Le Bassin des Rêves, c’est son nom, dit Prestimion en désignant l’eau calme et verdâtre dans les profondeurs de laquelle apparaissaient et disparaissaient constamment des images mystérieuses, parfois d’une beauté surnaturelle, d’autres aussi repoussantes qu’un cauchemar, des scènes éphémères totalement différentes les unes des autres. Nul ne sait comment il fonctionne. Ni même quel Pontife l’a installé là.
La Place des Masques, où d’énormes têtes sans corps, aux yeux aveugles, s’élevaient sur des tiges de marbre. La Cour des Pyramides, avec ses milliers de monolithes blancs très rapprochés, sans objet, inexplicables. La Salle des Vents, où un air froid sortait subitement en grandes rafales de grilles de pierre, bien que l’on soit très loin sous terre. La Cour des Globes… Le Cabinet des Épées Flottantes… La Chambre des Miracles… Le Temple des Dieux Inconnus…
Le jour suivant, Prestimion et son fils prirent l’ascenseur rapide vers la surface et retournèrent à l’Entrée des Eaux, où les attendait la barge royale pour les remmener par le fleuve jusqu’au Château. Mais ils n’avaient atteint que Mauril, à trois jours au nord du Labyrinthe, lorsqu’ils furent rattrapés par un bateau rapide portant le drapeau pontifical.
Le messager qui monta à bord n’eut que deux mots à dire pour que Prestimion comprenne ce qui s’était passé.
— Votre Majesté…
C’était la façon de s’adresser à un Pontife. Le reste ne vint que trop vite. Confalume était mort, très soudainement, d’une seconde attaque. Prestimion devait retourner au Labyrinthe présider aux derniers rites et prendre la succession en tant que Pontife.